C’est une drôle de coïncidence que j’ai découvert la chanson Personal Jesus par Depeche Mode en prenant un cours sur l’histoire du christianisme.
Le refrain “Tendez la main, touchez la foi” jouait au fond, pendant que j’écrivais mes rédactions. Cette chanson de rock new wave des années ‘80 était comme ce que j’essayais de faire depuis que je suis entrée à l’université. J’essayais de “tendre les mains, pas nécessairement pour toucher la foi, mais certainement la comprendre.”
J’ai grandi séculière et je n’ai jamais participé à aucune religion organisée, mais la religion et les rituels ont toujours été dans ma périphérie. Mon côté paternel est d’origine luthérienne ; Je me souviens du tapis de l’arche de Noé accroché au-dessous du sofa de mes grands-parents et la grande Bible sur la table basse. Mon côté maternel est chinois et a immigré en Amérique dans les années 1980 ; nous avons un sanctuaire bouddhiste d’un bodhisattva chinois dans notre maison et, de temps en temps, nous avons allumé de l’encens pour le sanctuaire.
Quand j’étais petite, j’étais mystifiée par les fragments de noms, de lieux et d’histoires que j’entendais en passant. J’ai demandé à mes arrière-grands-parents, “C’était qui Marie ?” La seule fois où j’ai assisté à un service de Noel avec eux, j’étais étonnée par la beauté solennelle des bougies à main. Je n’ai pas compris le sermon, mais une émotion a émané de l’assemblée alors qu’une centaine de voix chantaient un hymne.
D’après une éducation laïque, je crois que tout le monde peut savoir ce qu’on ressent dans le sacré – avec ou sans participation à une institution religieuse. Il y a plein de choses qui peuvent nous sentir sacrées : le temps écoulé avec un être cher, la nature, une chanson ou une œuvre d’art.
En même temps, je ne suis pas d’accord avec la croyance que cette capacité rend donc la religion et ses rituels superflus. Participer à des rituels occasionnels m’a aidé à comprendre l’histoire culturelle de ma famille beaucoup plus que d’étudier les textes historiques. Est-ce que les rituels, aussi relaxants et peu fréquents qu’ils soient dans ma vie, nous offrent une nouvelle branche de sagesse ?
Par exemple, lorsque j’ai visité la Chine, ma famille et moi avons brûlé du papier monnaie pour vénérer nos ancêtres. Alors que je plaçais le joss dans les flammes, j’affine mes propres intentions pour remercier une ligne que je n’ai jamais rencontrée, mais avec laquelle j’étais inextricablement liée.
Ce jour d’été, dans ce village générationnel à côté du montagne chinois, j’ai regardé le papier d’or et d’argent s’enrouler contre les braises avec leur précieuses cendres flottant en haut. Le rituel de brûler du papier joss crée un dialogue familial profond qui va au-delà de ce que je peux logiquement expliquer.
La beauté du rituel est ce qui m’a initialement attiré vers le mystère de la religion. Cependant, j’ai aussi remarqué que la religion est un sujet très chargé, enraciné dans la politique et le vitriol culturel. Comme l’a dit ma professeure d’études religieuses, Dr. Susan Ware: “Quand je regarde le monde, je vois tellement d’opinions véhémentes sur la religion et si peu de faits.”
Je dois admettre que j’y connaissais très peu. C’était seulement quand je suis venue à l’université de Massachusetts en Amherst que j’ai su par où commencer.
Entre les classes de business et d’économie que je suivais, j’ai pu enfiler la classe de Intro to World Religions 112H, enseignée par Ware. Son cours est divisé en six traditions religieuses majoritairement peuplées ; nous avons passé le semestre à suivre la chronologie de leur développement en discutant de leurs origines, de leurs écritures, de leurs croyances fondamentales et de leur esthétique.
Des mystiques de la Kabbale aux contes du Ramayana, les thèmes de religions, historiques et spirituels ont profondément résonné en moi. En d’autres termes, je n’en avais jamais assez. Le semestre suivant, je me suis inscrite au cours de Histoire du Christianisme 225H, aussi enseigné par Ware.
J’ai fini tous les deux cours, et je peux en toute confiance dire que d’étudier la religion m’a transformé en une meilleure étudiante, citoyenne, et penseuse. J’encourage fortement mes compagnes d’essayer a essayer les études religieuses.
D’un point de vue académique, étudier la religion a UMass a été incroyablement réconfortant. J’ai vu que la religion peut en effet être discutée de manière critique et respectueuse – certainement un soupir d’air frais par rapport aux discours religieux réactionnaires des médias modernes. En effet, j’étais presque fasciné par la pédagogie comme j’étais avec le contenu lui-même, et j’ai récemment interviewé Ware sur ses objectifs en dans l’enseignement de la religion.
“Si je fais un zoom arrière, j’ai un engagement très profond d’épandre la littératie religieuse,” a-t-elle dit. “Je veux ma contribution, mon héritage, soit que je répande la connaissance respectueuse, et compatissante – de la beauté et des faiblesses des différentes traditions religieuses.”
La littératie religieuse m’a permis, pour la première fois de ma vie, de commencer à parler de la religion avec mes compagnes. Dans mon cours d’histoire du Christianisme, je suis devenue amie avec trois compagnes de classe. Un a été élevé dans la tradition Orthodoxe Grecque, un a été élevé dans la tradition Catholique et l’autre a été élevé sans institution religieuse. Avec du café et des biscuits au chocolat, nous avons parlé pendant des heures de nos opinions sur la spiritualité, l’histoire chrétienne et les rituels.
Un dimanche matin de novembre, nous avons enfilé des robes jusqu’aux tibias, empilés à l’arrière d’une Honda et nous sommes allés au centre de Holyoke pour assister à un service de la divine liturgie orthodoxe grecque. Avec le guide de notre ami grec orthodoxe et de l’épouse accueillante du prêtre, nous avons eu le privilège d’observer cette belle heure de culte.
Les belles peintures murales, les tissus dorés, l’encens et les chants byzantins ne ressemblaient à rien de ce que j’avais vu. Cette expérience a enrichi mon expérience à l’université que je n’aurai pas pu trouver toute seule.
J’ai aussi trouvé de la richesse dans les débats et les désaccords. Discuter de quelque chose d’aussi compliqué et moralement peu concluant que la religion a été une leçon compliquée sur l’équilibre entre la pensée critique et la pensée compatissante.
D’un côté, la religion a fondé les langues écrites, les mouvements artistiques et civilisationnels. De l’autre côté, ces traditions ont été liées à de nombreuses guerres, génocides et de la corruption. L’absence de réponses claires dans la religion peut être déconcertante en classe.
Ware médiatise cela en enseignant la religion d’un point de vue historique. “J’enseigne l’histoire du christianisme et aussi les religions du monde comme les cours d’histoire, décrivant ce qui s’est passé au lieu de prendre parti pour savoir si c’était légitime ou non” dit-elle.
“C’est vrai que je me sens obligé d’étaler une certaine neutralité. Je ne sais pas si l’objectivité est possible, mais certainement un peu de neutralité et respect sont à jumelles” a dit Ware. “Ce n’est pas non plus mon désir de glorifier les religions…ou ignorer les erreurs dans aucune tradition.”
En étudiant la religion, spécialement d’un point de vue historique, j’ai découvert que beaucoup d’étudiants (moi inclus) ont l’impulsivité de présenter un calcul moral sur le verdict historique du ‘bien’ et du ‘mal’ des aspects de la religion. Nous tendons à chercher la dissonance de ses contradictions et atteindre une réponse légitime.
Au fil du temps, j’ai réalisé que mon objectif est immatériel et impossible. Ce qui est plus important c’est que les étudiants continuent de lutter avec les doubles conséquences de la religion, certaines abominables et d’autres belles.
En reconnaissant les façons capricieuses avec lesquelles la religion a interagi avec l’histoire de l’humanité, nous pouvons voir au-delà du récit commun que l’histoire était prédéterminée et que les événements étaient toujours destinés à être comme elles sont aujourd’hui. Cette idée peut nous aider à devenir ouverts d’esprit, et je crois que le processus de confrontation avec l’histoire religieuse est un voyage difficile mais fructueux.
“Dans le judaïsme, l’image du Juif fidèle est celle de quelqu’un qui lutte continuellement avec Dieu… Ce qui est interdit, c’est de sortir de la lutte ou de quitter le ring de lutte” a dit Ware. “Continuer l’amour et la haine, et la peur et le doute, c’est en soi le processus religieux.”
Même si ce modèle est basé sur la foi, je pense qu’il peut également refléter la dissonance que tout le monde rencontre dans le processus d’apprentissage. Je suis reconnaissante d’être dans un endroit où je peux interroger le monde. Par extension, je ne pense pas que nous soyons supposés avoir une réponse concluante. C’est ça l’essentiel.
Pourquoi étudier la religion à l’université ? Quand aurons-nous à nouveau l’occasion d’être entourés de pairs si disposés à échanger des perspectives naissantes ? Où d’autres mon environnement sera-t-il aussi réceptif à la mienne ? L’acte de digérer un matériel aussi complexe m’a forcé à exercer un contrôle sur mes impulsions de jugement et mes biais de confirmation.
Dans son argument contre la décision de l’Université Hamline de licencier une professeure pour avoir montré une œuvre d’art du XIVe siècle représentant le prophète Muhammad dans son cours d’histoire, le Dr Omar Safi, professeur d’études asiatiques et moyen-orientales à l’Université Duke, a déclaré : “Une partie du processus éducatif demande de dépasser chacun de nos points de vue suffisamment pour savoir que personne d’entre nous ne détient le monopole de la vérité.”
À une époque où la plupart de nos opinions sont tirées des actualités et des médias sociaux, il est essentiel pour nous, en tant qu’étudiants, d’apprendre à ralentir, à penser de manière critique et à remettre en question nos propres préjugés. De cette manière, peut-être, pouvons-nous devenir des adultes plus compatissants, confiants et civils.
“Les étudiants d’aujourd’hui seront les politiciens, les scientifiques et même les travailleurs de demain,” a déclaré Ware. “Avec une compréhension respectueuse et critique d’une autre tradition, l’objectif majeur serait d’éviter le prochain génocide religieux. C’est beaucoup d’attendre de quelques classes avec 24 personnes à UMass Amherst pour changer le monde de cette manière, mais cela fait avancer le courant dans la direction que je considère comme impérative.”
“Nous rencontrerons des personnes de plusieurs traditions religieuses et d’un scepticisme laïc à l’égard de la religion. Avec un certain niveau de connaissance, il y a moyen de se connecter avec des personnes d’une autre tradition,” a-t-elle dit.
Je pourrais continuer à parler des exercices cognitifs et des discussions qui surviennent de l’étude de la religion, mais j’aime cette discipline pour une autre raison aussi importante : je la trouve belle.
Encore et encore, j’ai ressenti le rejet subtil des sciences humaines. Il semble que nous ayons atteint une opinion répandue selon laquelle l’étude des sciences humaines est seulement justifiable parce qu’elle donne aux ingénieurs et aux hommes d’affaires de meilleures compétences en douceur. Le rejet est particulièrement puissant pour les études religieuses. Actuellement, le seul programme d’études religieuses à l’UMass en dehors de BDIC est un programme de certificat de 18 crédits dispensé par le département des sciences humaines et des beaux-arts et le consortium Five College.
Ware a souligné qu’il y a du scepticisme autour des études religieuses. “Nous sommes en Nouvelle-Angleterre, une région de tant d’enseignement supérieur et… [elle est] plus laïcisée que d’autres parties du pays… donc certains étudiants pensent probablement que la religion est complètement absurde et que ce n’est pas de la science, pas de la science, pas de la science,” a-t-elle dit.
“Nous savons que la science est parvenue à toutes sortes de vérités, à toutes sortes de remèdes contre les maladies – et je vais simplement avouer que personne ne respecte plus la méthode scientifique que moi – mais en même temps, il y a des choses que la religion a apportée à l’histoire humaine,” a déclaré Ware. “Ignorer délibérément ces [facteurs] simplement parce que je ne peux pas les échanger contre un emploi de consultant, je pense que c’est dommage.”
Elle a reconnu : “Cela vient vraiment de ma perception de ce qu’est une bonne vie. Je peux profiter d’une certaine richesse qui vient de cultiver l’esprit en apprenant des expériences qui ont façonné la vie humaine et qui ont façonné la formation des civilisations humaines. Pour moi, c’est simplement une vie beaucoup plus riche.”
Dans son article d’opinion pour le New York Times, Jonathan Malesic, un professeur basé au Texas qui a enseigné la théologie pendant 11 ans, a écrit : “Cependant, l’esprit humain est capable de bien plus que ce qu’un emploi en demandera. Ces cours ‘inutiles’ tels que la philosophie, la littérature, l’astronomie et la musique ont beaucoup à enseigner.”
“Je n’ai pas eu à résoudre un problème de calcul depuis 25 ans. Mais apprendre à le faire a élargi mon esprit de manière qui ne peut simplement se réduire à une liste de compétences professionnelles,” a écrit Malesic. “Vivre dans le monde de cette manière élargie est un cadeau permanent.”
Je pense au papier joss que j’ai brûlé en Chine et aux bougies pendant le service de la veille de Noël. Pourquoi aller au-delà pour avoir une telle somptuosité indulgente dans nos vies ? Il y a plus dans le fait d’être humain que de vivre pour le travail et la production. Nous avons des cœurs qui peuvent être émus par des moments tendres d’amour. Nous héritons de questions et d’histoires d’avant notre naissance qui échafaudent nos identités. Nous avons la capacité de désirer ces moments doux de vénération, et nous devrions nous y abandonner. Ce n’est pas un luxe. C’est vivre.
Croyez-moi quand je dis qu’un étudiant n’a pas besoin d’être religieux pour apprécier et respecter l’impact de la religion sur l’humanité. Mépriser complètement la religion revient à ignorer tout un domaine de richesse qui découle de notre condition humaine. Mépriser l’étude, c’est renoncer à une opportunité de comprendre notre humanité partagée.
“Comme j’ai étudié cela pendant beaucoup d’années, je suis de moins en moins intéressée par la question de ‘qu’est-ce qui est vrai dans une religion?’ ou s’il y a une religion qui est vraie et d’autres qui ne sont pas, et beaucoup plus intéressée à savoir si elles sont belles,” a déclaré Ware.
“Je suis simplement moins intéressée par les questions de cognition et plus intéressée par la révélation de la beauté à travers la tradition,” a-t-elle continué. “La beauté m’ouvre à l’intérieur, dans des parties de moi autres que les capacités cognitives, et cela me semble plus sacré.”
Kelly McMahan can be reached at [email protected].
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