Note de l’éditeur : cet auteur s’est vu accorder l’anonymat sur sa demande.
« Alors, pourquoi tu utilises un fauteuil roulant ? Tu ne peux pas marcher ? »
Parce que ce n’est pas ton affaire.
En tant qu’utilisateur d’un fauteuil roulant ambulatoire, on me demande des variations de cette question très régulièrement. Les gens pensent que parce que je peux marcher, je fais semblant d’être handicappé et que je n’ai pas besoin du fauteuil roulant. Plus problématique encore que la présomption que marcher signifie non-handicapé est celle qu’il est approprié de poser des questions sur mon utilisation du fauteuil roulant.
Ça ne l’est pas.
C’est envahissant, impoli, et une micro agression liée au handicap.
Selon Dr. Richard Keller et Dr. Corinne Galgay du Collège des Professeurs à l’Université de Columbia, il existe huit catégories différentes des micro agressions liées au handicap, et le refus de la confidentialité en fait partie. Quand les gens s’engagent dans ce type de micro agression, ils supposent que parce que je marche et que j’utilise un fauteuil roulant, ils ont le droit d’accéder à mes informations médicales privées. – Cette présomption est gênante et envahissante.
Tout aussi souvent que l’on me demande pourquoi j’utilise un fauteuil roulant, les gens essaient de le toucher ou de le pousser pour « m’aider ». Mais leur aide n’est pas seulement indésirable, elle est dangereuse et légalement classée comme l’agression contre une personne handicapée. On s’habitue aux schémas de mouvement spécifiques que fait son fauteuil roulant spécifique, et avec ceci, on apprend à naviguer le monde rapidement. L’interférence avec mes mouvements augmente considérablement les chances que nous soyons tous deux blessés.
En plus, mon fauteuil roulant est une extension de mon corps. Ce serait super bizarre si je prenais tes pieds et si je les déplaçais là où je pensais que tu devrais aller. À moins que je ne sois très clairement inconscient ou activement tombant dans un volcan (et je veux dire vraiment spécifiquement un volcan, pas un bord du trottoir ou un nid-de-poule), ne touche pas à mon fauteuil. C’est impoli, dangereux, et illégal.
Alors, tout cela semble plutôt évident, n’est-ce pas ? Ne pose pas des questions invasives à un inconnu, ne touche pas à son fauteuil roulant. Mais si tu me connais ? Peut-être qu’on est dans le même cours – peut-être qu’on a même interagi quelques fois. J’aurais pu même partagé une vague remarque sur mon handicap. Alors là, est-il acceptable de me demander pourquoi je suis dans mon fauteuil ? Est-il acceptable de prendre mon fauteuil s’il semble que je tombe ?
Ça ne l’est pas.
C’est envahissant, impoli, et une micro agression liée au handicap.
Je le comprends. Tu es curieux. On n’enseigne pas aux gens les utilisations des fauteuils roulants, et les humains sont des créatures curieuses. En fait, ta question a même des bonnes intentions et veut démontrer le confort avec le handicap. Pourtant, les micro agressions souvent signalent des inconforts explicites ou implicites, alors va plutôt chercher sur Google. Tu as l’intention de me protéger du danger. Pourtant, tu demandes toujours la divulgation d’informations médicales privées. Tu commettes toujours des agressions sur une personne handicapée. Cela peut bien ne pas être ton intention, mais c’est ton impact.
En fin de compte, si je veux partager mon handicap avec toi, je le ferai. Si j’ai besoin de ton aide avec mon fauteuil roulant, je te le demanderai. Si on est vraiment des amis ou si on a une relation où la divulgation de cette information est appropriée, je te partagerai les détails de ma vie avec toi, y compris ceux concernant mon handicap. Mais c’est moi qui décide où et quand je partage ces détails ou demande de l’aide, pas toi.
Les questions sans réponse créent de l’ambiguïté, et ceci est malaisant. Me voir tomber dans une situation que tu perçois comme dangereuse est effrayant.
Mais le monde est nuancé, et il n’est certainement pas toujours confortable.
Le handicap est nuancé, et il n’est certainement pas toujours confortable.
Assieds-toi avec ce malaise et avec la déviance perçue par rapport à la norme. Fais confiance au fait que je suis un pseudo-adulte compétent qui peut se gérer. Je suis handicapé, et c’est probablement au moins un peu malaisant pour toi. Mais juste parce que je suis handicapé et que tu es mal à l’aise ne signifie pas que c’est à moi de soulager ton inconfort. Surtout si le soulager signifie répondre aux questions invasives ou te laisser toucher mon corps et ses extensions. En fin de compte, je suis une personne, tout comme toi, et je mérite la même dignité et le respect que tu montrerais à n’importe lequel de tes camarades.
Veronika Jaster peut être jointe à [email protected].
Iris Thesmar peut être jointe à [email protected].