Les hommes aspirent à être beaucoup de choses. Les salles de classe, les bars, les terrains de foot et dans la rue ne sont que quelques-uns des endroits où on adopte les codes qui correspondent à notre genre. Pour les hommes, cela revient souvent à la rationalité (au lieu de l’émotion), la force, la confiance et l’individualisme.
(J’ai omis beaucoup d’autres idéaux masculins par être brève.)
Du fait de ces codes de genre, il n’est pas surprenant que les hommes sont rarement mentionnés dans les conversations sur l’anorexie mentale – un trouble alimentaire qui pousse certains jusqu’à refuser de s’alimenter à cause d’une peur intense de prendre du poids.
Les symptômes de l’anorexie comprennent: une obsession de faire de l’exercice, une fixation sur les étiquettes nutritionnelles, des pensées constantes (gardées silencieuses ou vocalisées) sur la nourriture et le régime alimentaire; une anxiété vis-à-vis des évènements sociaux impliquant la nourriture; et l’ignorance apparente de la perte de poids.
Selon l’Institut national de la santé, près de 10% des cas d’anorexie rapportés viennent des hommes. Le problème c’est que l’anorexie contredit totalement la conception traditionnelle de la masculinité. Un homme devrait reconnaître l’irrationalité de ces symptômes. Il devrait être assez fort pour ravaler, enterrer et vaincre ses insécurités. Il devrait avoir assez de confiance en lui pour que l’idée de restreindre son alimentation ne lui traverse pas l’esprit.
Je ne pensais pas que les hommes pouvaient souffrir de troubles alimentaires quels qu’ils soient avant le 4 juillet 2017, quand ma famille m’a fait asseoir et m’a dit que j’étais anorexique. J’avais été végan pendant les sept mois précédents et, honnêtement, je pensais que je le faisais pour de bonnes raisons: réduire mon empreinte carbone et prendre une position personnelle contre le traitement cruel des animaux.
Il m’a fallu du temps pour accepter que je n’étais pas végan pour les bonnes raisons. Au contraire, j’agissais en réponse à une peur suffocante de grossir. Mon poids le plus bas était d’environ 135 livres (61kg) alors que je mesure presque 6’3 (1,83m). Vous n’avez pas besoin d’être nutritionniste pour constater que j’étais dangereusement en sous-poids.
Le quatrième code masculin que j’ai mentionné, l’individualisme, joue également un rôle important dans mon histoire. Même si un homme reconnaît sa maladie, aller chercher de l’aide diminuerait sa virilité d’homme. Les hommes ne demandent pas d’aide. Les hommes serrent les dents. Par conséquent, le processus de réflexion se déroule comme suit:
<<Tu es faible de ressentir ces insécurités. Tu es encore plus faible de ne pas pouvoir les combattre par toi-même. Quel genre d’homme es-tu?>>
Cela apporte un nouveau sens à la masculinité toxique (sans doute un terme redondant, mais je digresse.). La manière dont certains hommes – en particulier ceux qui les codes de genre – se conduisent peut être toxique, non seulement car elle peut mener à l’oppression des femmes, mais aussi car elle peut empêcher ces hommes de reconnaître leurs insécurités et de les soigner.
Je vais aller plus loin. Ma susceptibilité aux idéaux masculins ne m’a pas seulement aveuglé sur ma maladie; cela a causé ma maladie aussi. J’avais tellement peur de grossir – de ne pas avoir le corps mince et musclé qu’un véritable homme attrayant est censé avoir – que j’ai ressenti le besoin de prendre le contrôle de mon alimentation de la manière la plus extrême possible.
Pensez à cela. J’étais tellement désespéré d’être un homme que j’ai mis ma santé physique en danger. Ce même désespoir m’a empêché de voir que quelque chose n’allait pas. Littéralement, les pressions de la masculinité peuvent être si intenses que cela devient dangereux.
Je ne vous demande pas de pleurer pour les hommes, surtout pas ceux qui ont mon teint et mon orientation sexuelle. Je ne cherche pas à détourner l’attention des luttes des groupes marginalisés.
Mon objectif est simple: de prendre part à un dialogue sur les relations entre la masculinité, l’image corporelle et l’alimentation. Après tout, si un tel dialogue peut changer la façon dont les hommes pensent et se comportent, alors je pense que cela peut, par extension, améliorer notre façon de penser et d’interagir avec d’autres groupes de personnes.
Mon histoire n’est pas la seule. Et il est important de garder à l’esprit un certain mot: l’intersectionnalité. L’anorexie d’une personne est différente selon sa race, sa classe, son orientation sexuelle et son identité sexuelle.
Si vous voulez, vous pouvez partager votre histoire avec moi, quelle que soit votre identification.
Conor Bond est un collaborateur collégien et peut être contacté à cw[email protected].
Meg Beauregard est la traductrice pour la version française et peut être contactée à mebeauregard@umass.edu.
Cleo Guillou est l’éditrice pour la version française et peut être contactée à [email protected].